Un peu d’histoire…
Depuis l’introduction du scanner (CT) au milieu des années 1970, nous avons assistés à une évolution spectaculaire des performances, surtout au cours des 10 dernières années. Une étape décisive s’est produite en 1989 avec l’introduction du premier CT hélicoïdal permettant une acquisition volumique (3D). Une des dernières évolutions en date a été l’introduction de nouveaux détecteurs matriciels de grandes dimensions permettant l’exploration de tout un volume au cours d’une seule rotation, à l’origine du cone beam CT (CBCT)(1). Cette technologie, récente, ne cesse d’évoluer de même que ses indications.
Un peu de physique….
L’utilisation d’un faisceau d’ouverture conique présentant une double divergence, a été rendu possible grâce à l’augmentation des puissances de calcul disponibles sur les nouvelles stations et surtout grâce au développement de nouveaux algorithmes de reconstruction.
Ces scanners permettent d’obtenir des voxels cubiques avec une résolution spatiale isotropique, contrairement aux scanners volumiques à acquisition hélicoïdale multicoupe (MSCT) (2). La taille du voxel diminuant proportionnellement avec le volume exploré, il est possible d’obtenir des résolutions de 0.3 à 0.08 mm avec une excellente résolution spatiale dans tous les plans. Les doses d’irradiation en CT conventionnel sont très variables en fonction des appareils, des protocoles utilisés, de la région explorée, de l’épaisseur de coupe, etc…rendant les comparaisons difficiles. Il est toutefois possible d’affirmer que le CBCT, utilisé à bon escient, est à l’origine d’une réduction non négligeable des doses délivrées. A titre d’exemple, le cone beam dentaire peut délivrer, pour le mode “haute résolution” des doses 3 à 4 fois inférieures aux doses habituellement délivrées par un scanner hélicoïdal (1). Toutefois, les doses d’irradiation réduites, sont à l’origine d’une faible résolution en contraste, limitant fortement l’analyse des parties molles.
Alors, à quoi ça sert ?
Les qualités intrinsèques de l’imagerie cone beam (isotropie des voxels et faible susceptibilité aux artéfacts métalliques), lorsqu’elle est réalisée en haute résolution, se prêtent particulièrement bien à l’étude de la structure osseuse fine avec une précision de l’image que n’atteignent actuellement pas les meilleurs scanners. L’acquisition d’un volume autorise, dans un deuxième temps, des reconstructions panoramiques, 3D, de surface ou multiplanaires.
Quand faire un Cone Beam CT ?
En pathologie ORL
L’imagerie est d’une aide indispensable pour l’analyse anatomique fine, surtout dans les territoires ou les structures osseuses et vasculaires sont particulièrement complexes. Dans ce sens le CBCT est un outil très utile et a été évalué pour l’étude des cavités naso-sinusiennes, des rochers et de la base du crâne. Ses limites se trouvent au niveau d’une diminution du rapport signal sur bruit et de sa faible résolution en contraste le rendant inutile pour l’étude des parties molles, notamment en cas de tumeur.
Pathologie naso-sinusienne.
Cette technique est très performante pour l’étude des processus inflammatoires et infectieux du massif facial. Ses qualités propres dans l’exploration des pathologies dentaires, autorisent le dépistage des sinusites d’origine dentaire avec une précision impossible à obtenir au scanner.
Lorsque le foyer d’ostéite atteint le plancher sinusien, on peut noter un effacement de la corticale osseuse qui s’associe à un épaississement de la muqueuse sinusienne adjacente. La survenue d’une véritable sinusite est fréquente, soit par une perforation de la membrane ou par une suffusion septique à son travers (3).
Le CBCT a toute sa place dans le cadre du bilan des RSC et pour les contrôles après traitement, en cas de doute clinique, remplaçant les 3 clichés Rx qui n’ont qu’une utilité très limitée (6). Cette technique est appelée à devenir, dans un proche avenir, l’examen de référence dans les bilans sinusiens (4,5). Ses limites d’utilisation sont l’impossibilité d’obtention simultanée de fenêtres parenchymateuses (et donc d’injection de contraste). En cas d’importante atteinte inflammatoire, polypes multiples…la délimitation des contours osseux devient plus difficile et l’indication au CBCT moins évidente. En cas de suspicion de lésion tumorale, polype unilatéral…l’IRM constitue l’examen de choix, mais l’étude osseuse étant aussi indispensable, elle pourra être effectuée à l’aide du CBCT. Des études préliminaires font part de son utilité pour l’utilisation per et intra opératoire (systèmes de navigation) (6, 7,8).
Exploration des rochers.
L’examen du rocher par Ct conventionnel est un examen très irradiant du fait de l’importante densité de la capsule otique. C’est le cristallin qui est la structure la plus sensible, souvent incluse dans le champ d’irradiation. Les premiers résultats du CBCT, montrent que la qualité de visualisation des structures telles que la chaine ossiculaire, le labyrinthe osseux, l’oreille interne, la structure interne de la cochlée et le canal facial sont significativement meilleures qu’au CT conventionnel (10).
Ces études apparaissent très encourageants dans certains appareils de dernière génération, tant dans l’étude des otites chroniques, des dysplasies, des malformations et des traumatismes. La faible sensibilité aux artéfacts métalliques en fait l’examen de choix pour les contrôles d’implants cochléaires (11). Le diagnostic de la déhiscence des canaux semi-circulaires est très performant. Sa qualité est toutefois inconstante par rapport au CT en raison de la longueur du temps d’acquisition (favorisant le mouvement) et en fonction du calibre de la tête à explorer. Le rapport signal sur bruit, inférieur par rapport au Ct, peut constituer une limite dans certaines pathologies (otospongiose, oreilles mal ventilées) (4).
Son utilisation doit certainement être envisagée pour se substituer aux examens CT répétés chez un même patient, d’autant plus si la pathologie est unilatérale (l’acquisition se fait chaque côté séparément) (12). De même, elle est indiquée pour l’imagerie “anatomique” avant abord chirurgical de l’oreille moyenne ou interne pour une pathologie connue.
En imagerie dento-maxillo-faciale
Dans la démarche diagnostique, l’examen clinique reste toujours la première étape essentielle, conduisant à des hypothèses diagnostiques qui conditionnent le protocole radiologique. L’OPG est l’étape suivante, toujours nécessaire et parfois suffisant, pouvant parfois être complétée par des clichés endobuccaux. Parfois le bilan est insuffisant et doit être complétée par une imagerie sectionnelle, représentée aujourd’hui par le Cone Beam (13). Dans quelques cas assez exceptionnels, on pourra avoir recours à L’IRM
En implantologie et analyse d’anomalie de nombre, forme et position dentaires.
Les maxillaires présentent d’importantes variations dans la disposition des trajets canalaires contenant des pédicules vasculo-nerveux dont le traumatisme peut être cliniquement significatif. Le bilan radiographique doit porter l’attention sur les variations de position de ces structures, sur la morphologie du maxillaire, l’évaluation quantitative et qualitative de l’os et l’absence de pathologie osseuse, dentaire ou sinusienne en regard. Pour les dents de sagesse 38 et 48, leur proximité au canal du nerf alvéolaire inférieure constitue l’élément critique avant l’extraction (14).
Dans cette optique, l’imagerie sectionnelle par cone beam est rapidement devenue la méthode radiologique de choix (15, 16,17).
En traumatologie dento-maxillo-faciale, le guide des bonnes pratiques de la Société Française de Radiologie de 2009, ne préconise plus l’usage des radiographies standard. En urgence le scanner conventionnel est irremplaçable pour rechercher des complications associées notamment encéphaliques ou rachidiennes. S’il n’y a pas de signes d’atteinte systémique ou des parties molles, le Cone Beam est l’examen de choix pour décrire les lésions osseuses du massif facial, de la mandibule et pour identifier une lésion traumatique radiculaire (18). Dans les fractures du plancher orbitaire, si bien le CBCT peut démontrer une herniation du contenu orbitaire, il ne permets pas de différencier la composition de ces tissues (19).
A distance du traumatisme,
- Les douleurs post traumatiques localisées persistantes doivent être explorées en CBCT à la recherché d’une fracture alvéolo-dentaire méconnue.
- Les fractures non compliquées de la pyramide nasale qui nécessitent un bilan d’imagerie différée, peuvent de préférence être explorées en CBCT.
Articulation temporo-mandibulaire :
Le CBCT permet de mettre en évidence des altérations dégénératives, l’ankylose, les malocclusions et les malformations (20). La pathologie méniscale est ressort de l’IRM.
Endodontie
L’endodontie nécessite une image radiologique des plus précises possible. 40% des canaux radiculaires ne sont pas identifiés sur les clichés standard en comparaison au CBCT (21). La haute résolution spatiale du CBCT et sa moindre susceptibilité aux artéfacts métalliques, permet une excellente caractérisation des clairetés peri-apicales, la démonstration de la proximité du plancher sinusien, l’atteinte de la membrane sinusienne et l’identification du canal radiculaire (3). L’utilisation est indiquée quand les examens conventionnels ne semblent pas suffisants pour le diagnostic et le plan de traitement.
Conclusion
L’imagerie par faisceau conique, dite « cone beam CT » est une méthode d’acquisition volumique utilisant un faisceau conique de RX couplé à un détecteur plan et fournissant une imagerie 3D de l’ensemble du massif facial. Le volume reconstruit est « isotrope ». La résolution spatiale, variable en fonction des appareils, dépasse l’imagerie scanographique. Les artéfacts métalliques sont diminués et la dose de Rx délivrée globalement inférieure à celle du CT conventionnel. L’image obtenue est un volume pouvant être reconstruit dans tous les plans y compris des reconstructions panoramiques, de surface et 3 D. Les inconvénients consistent en une diminution du rapport signal/bruit et une médiocre résolution en densité ne permettant pas l’exploration des parties molles, en particulier lors des processus tumoraux. De même, la longueur de l’acquisition (20-30 secondes) favorise les mouvements.
C’est un outil performant qui demande l’implication du clinicien et du radiologue. Elle constitue de nos jours, l’examen sectionnel de choix en pathologie dento-maxillaire. Elle a toute sa place en imagerie des cavités naso-sinusiennes et commence à faire sa place pour certaines indications en pathologie du rocher et ostéo-articulaires. La technique est en voie de développement constant et des nouvelles indications sont à venir.
Références
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